LE NOUVEAU SHÉRIF DE MONTRÉAL

LE NOUVEAU SHÉRIF DE MONTRÉAL

Publié dans La Presse, le 5 mai 2014.

En peu de temps, Denis Coderre est devenu le coeur et l’âme de Montréal.

Certains l’appellent le nouveau Camillien Houde. D’autres l’appellent le nouveau Jean Drapeau. Certains voient en lui le Régis Labeaume de Montréal. En réalité, il est Denis Coderre, nouveau shérif de Montréal. Il est un maire qui dit les choses telles qu’elles sont ou telles qu’il les voit, un maire qui devient un incontournable quand ça concerne «sa» ville.

Et il était temps, car Montréal a trop souffert de l’indifférence des gouvernements supérieurs depuis les fusions-défusions. Fini la période où tout un chacun pouvait piler sur le corps de la métropole du Québec sans en subir les conséquences. Fini la période où le gouvernement du Québec, qu’il soit dirigé par les péquistes ou les libéraux, se foutait de Montréal à cause de la faiblesse de ses dirigeants.

Denis Coderre est un maire présent qui a des antennes là où ça compte. On le voit partout. On se demande même s’il prend le temps de dormir. Il a une opinion sur tout et il n’est pas du genre à avoir la langue de bois ou à se cacher lorsque les choses se corsent. Sonslogan semble être: «Prenez note que si ça concerne Montréal, ça me concerne». En fait, Denis Coderre «est» Montréal. Son expérience politique le sert bien. Son sens de la repartie et des clichés aussi. Même chose pour son utilisation à outrance des réseaux sociaux.

Et que dire de son alliance avec Régis Labeaume ? Ces deux-là semblent être des larrons en foire. Au lieu de se faire compétition et de se chicaner, ils ont tout simplement bien établi leur territoire respectif : Montréal, c’est la métropole, alors que Québec, c’est la capitale. S’il y a compétition entre les deux, elle n’est pas apparente. Il semble que les deux maires ont vite compris qu’ils peuvent faire beaucoup plus de chemin en s’alliant qu’en s’opposant.

Après les élections de novembre dernier, Denis Coderre n’avait plus qu’un adversaire coriace pour lui faire ombrage à l’hôtel de ville : Richard Bergeron, le chef de l’opposition. Ce dernier a, jusqu’à un certain point, été neutralisé en se faisant confier un rôle important: celui de coordonner le dossier du recouvrement de l’autoroute Ville-Marie. Le maire a ainsi fait d’une pierre deux coups en confiant ce projet à une personne compétente en la matière et, ensuite, en évitant que le chef de l’opposition critique le projet en question.

Une autorité morale

Avant son élection à la mairie, Denis Coderre souffrait d’un manque évident de crédibilité. Il passait souvent pour un bouffon sans envergure. Mais plusieurs avaient oublié que sa candidature avait été préparée de longue date, avec beaucoup de minutie, une étape à la fois, et qu’il avait Jean Chrétien comme mentor.

Ce qui compte, c’est qu’en peu de temps, Denis Coderre est devenu le coeur et l’âme de Montréal. Il a maintenant cette autorité morale nécessaire pour prendre des décisions, populaires ou impopulaires, et à les mettre en application. Cependant, le plus dur reste à venir, en ce sens que Denis Coderre devra éviter le piège dans lequel est tombé Régis Labeaume et apprendre à partager sa nouvelle gloire avec les autres intervenants. Il devra éviter d’écraser ceux qui ne sont pas d’accord avec lui.

Le nouveau gouvernement libéral a déjà annoncé son accord à ce que Montréal obtienne un statut particulier. Il s’agit là d’une condition sine qua non pour que la métropole du Québec redevienne une ville gouvernable.

Publié par Gaétan Frigon