LES ENFANTS GÂTÉS

LES ENFANTS GÂTÉS

Publié dans La Presse, le 10 novembre 2014

Dernièrement, il y a deux statistiques qui m’ont frappé de plein fouet.

D’une part, ce commerçant de la rue Saint-Denis à Montréal qui se plaignait que sa taxe d’affaires lui coûtait 33 000$ par année, alors que les commerces de cette artère connaissent une importante baisse, et, d’autre part, ce reportage démontrant que chaque employé de la Ville de Montréal coûte à cette dernière plus de 110 000$ par année.

La conclusion est très simple: ça prend plus de trois commerçants taxés à l’os pour payer un seul employé de la Ville. Et il y en a 28 000 de ces employés. Rien qu’à y penser, la tête me tourbillonne.

Selon les statistiques, ils gagnent environ un tiers de plus que les autres employés gouvernementaux nonmunicipaux. À eux seuls, les avantages marginaux (excluant les salaires) coûtent au-delà de 50 000$ par employé par année. Ce n’est pas peu dire. Les syndicats représentant ces employés municipaux crient à qui mieux mieux qu’ils ont obtenu ces conditions par la «libre négo». Mais, dans le monde municipal, la libre négo signifie avant tout une négociation qui nivelle tout par le haut, c’est-à-dire que les meilleures conditions de travail négociées dans une ville sont pratiquement imposées dans les autres municipalités. Et celles-ci n’ont ni l’expertise pour bien négocier ni le droit de lock-out.

Il est paradoxal que ce soient ces mêmes employés municipaux qui se plaignent le plus du projet de loi 3 du gouvernement du Québec, lequel vise, notamment, à favoriser la santé financière et la pérennité des régimes de retraite à prestations déterminées du secteur municipal. Le projet de loi 3 impose aux villes et aux employés municipaux de rembourser, à parts égales, le déficit accumulé des caisses de retraite.

Et pour en arriver là, le gouvernement n’essaie pas de couper dans les conditions extraordinaires des employés municipaux, mais veut surtout suspendre l’indexation des rentes jusqu’à ce que le déficit accumulé soit remboursé. Ce n’est quand même pas la fin du monde, considérant que plus de la moitié des Québécois n’ont tout simplement pas de fonds de pension autre que celui de la Régie des rentes du Québec.

Des moyens de pression discutables

À Montréal, les syndicats représentant les policiers et les pompiers font part de leurs récriminations soit en portant des pantalons de type camouflage, soit en placardant voitures et autres véhicules de slogans souvent haineux. Pire encore, ils ont saccagé l’hôtel de ville lors d’une séance du conseil municipal, agissant comme des étudiants fiers à bras d’une école qui iraient saccager le bureau du directeur pour protester contre un nouveau règlement.

Si les syndicats pensent influencer en leur faveur les payeurs de taxes et le gouvernement avec ces moyens de pression, je pense qu’ils font fausse route. Ils sont vraiment en train de se tirer dans le pied, car il apparait évident que le gouvernement Couillard ne reculera pas. Et il ne faut surtout pas qu’il recule.

Considérant que les policiers et les pompiers ont souvent droit à une pleine pension alors qu’ils sont encore dans la fleur de l’âge et qu’ils peuvent ainsi entreprendre une deuxième carrière, je ne peux absolument pas comprendre où ils veulent en venir avec leur intimidation, qui démontre une attitude appartenant à une époque révolue. Ils agissent vraiment comme des enfants gâtés qui se foutent de ce que leurs conditions peuvent coûter à une société en déficit chronique. C’est tout comme s’ils disaient: «Faites payer ces commerçants de la rue Saint-Denis, et tous les autres payeurs de taxes, car nous, on s’en fout éperdument».

Publié par Gaétan Frigon